Le timbre de sa voix unique restera gravé dans le paysage de la chanson francophone. Jane Mallory Birkin pour l’état civil, Jane B pour tout le monde, s’est éteinte le 16 juillet à Paris, à l’âge de 76 ans. Actrice, chanteuse, autrice, scénariste, réalisatrice, elle était devenue depuis six décennies la plus française des artistes anglaises, adoptée par un public conquis bien avant sa naturalisation.

Née en 1946 dans un quartier londonien, fille d’un commandant de la Royal Navy héros de la Résistance et de l’actrice et chanteuse Judy Campbell, c’est à l’âge de dix-huit ans que Jane Birkin débute une carrière cinématographique dans Le Knack...et comment l’avoir de Richard Lester, au côté d’actrices comme Charlotte Rampling et Jacqueline Bisset. Mais c’est sous la direction de Michelangelo Antonioni, dans Blow Up, Palme d’or au festival de Cannes en 1967, qu’elle se fait vraiment remarquer du grand public.
Alors épouse du compositeur de musiques de films John Barry, Jane Birkin décide de se rendre en France après son divorce. C’est sur le plateau de Slogan, le film de Pierre Grimblat, qu’elle rencontre Serge Gainsbourg. Malgré des débuts houleux, tous deux deviendront le couple le plus emblématique de la chanson française. En duo avec Serge, compagnon et pygmalion, elle remplace Brigitte Bardot dans le célèbre Je t’aime, moi non plus qui deviendra un tube international en 1969. Le début d’une carrière de chanteuse qui la verra enregistrer quatorze albums studio et huit disques live, tout en poursuivant une carrière au théâtre, à la télévision et surtout au cinéma dans plus de 70 films, dont La Piscine, Les Chemins de Katmandou, Don Juan 73, La Course à l’échalote, La Pirate, La Fille prodigue, On connaît la chanson, ou Quai d’Orsay, sans oublier le sulfureux Je t’aime moi non plus, réalisé par Serge Gainsbourg en 1976, quatre ans avant leur séparation.
À la mort de ce dernier, en 1991, elle devient l’ambassadrice de son œuvre, réenregistrant des chansons célèbres comme La Javanaise ou certaines écrites pour elle, choisies dans des albums comme Ex Fan des Sixties, Baby Alone in Babylone ou Amours des feintes, et donnant des concerts à travers la planète, parfois en compagnie d’un orchestre symphonique. Ce qui ne l’empêchera pas de collaborer avec d’autres auteurs-compositeurs, français comme Miossec, Gérard Manset, MC Solaar, Dominique A, Arthur H, Alain Souchon, et même anglo-saxons comme Rufus Wainwright, Brian Molko ou Beth Gibbons.
En 2008, elle écrit pour la première fois les textes de l’album quasi autobiographique Enfants d’hiver, avant de récidiver en 2020 dans son quatorzième et dernier enregistrement en collaboration avec Étienne Daho, Oh! Pardon tu dormais…, qu’elle défendra sur scène l’année suivante et qui fera l’objet d’une pièce de théâtre.
En 1988, la cinéaste Agnès Varda lui consacre un portrait, Jane B. par Agnès V., auquel participe sa fille Charlotte, réalisatrice trente-trois ans plus tard d’une autre biographie filmée, Jane par Charlotte.
L’ex Baby Doll et l’inoubliable Melody Nelson de Gainsbourg, devenue la grande et unique Jane Birkin, lauréate de deux Victoires de la musique, couronnée de trois César et d’un Molière, la petite anglaise qui avait choisi l’Hexagone pour y exercer ses talents, demeurera à jamais dans le cœur des Français.
Jane Birkin avait été admise à la Sacem en qualité d’autrice en 2008.
« Jane, une voix, un visage, une silhouette. Elle est apparue dans nos vies avec cette désinvolture qui lui donnait tant de grâce. Comment ne pas tomber raide dingue de cette beauté dont elle ne semblait pas se soucier. Sa sensibilité, sa simplicité et son humilité resteront dans nos cœurs à jamais. » Christine Lidon, autrice, présidente du conseil d’administration de la Sacem.
« La discrète élégance de Jane Birkin, ses chuchotements à fleur d'âme nous ont touchés et continueront à nous toucher. Son souvenir revêtira toujours les dessous chics d'une poésie délicate et mélancolique. » Claude Lemesle, auteur, Président d’honneur de la Sacem.
Publié le 17 juillet 2023