Après douze ans passés dans l’ombre, Fred Rister sort enfin du bois. Le coauteur des tubes de David Guetta signe une chanson et une autobiographie dont les bénéfices seront reversés à la recherche contre le cancer. Rencontre avec un survivant venu du Nord, au parcours musical hors norme.

© Janeen Lund
Son nom ne dis rien à personne, mais ses mélodies ont conquis la planète. Depuis 2006, Fred Rister coécrit en studio les mégatubes de David Guetta. Le triomphe de Love is Gone, c’est grâce à lui... Le Grammy Award de la Meilleure chanson dance pour When Love Takes Over, aussi... Sans compter que le tandem a signé I Gotta Feeling des Black Eyed Peas, avant de recevoir le Grand prix du répertoire Sacem à l’étranger. En contrat d’exclusivité avec David Guetta, l’auteur-compositeur français s’est longtemps effacé derrière la star aux dix millions d’albums vendus. De son plein gré : « C’est lui l’artiste et moi, je suis le plus célèbre des inconnus. Je travaille avec plaisir pour les autres sans chercher la gloire ». Une fois n’est pas coutume, l’homme de l’ombre a choisi la lumière. Pour la première fois depuis 2006, il signe sous son propre nom I Want A Miracle, un single dance expiatoire en feat. avec Chris Willis et Sam Martin, dont les bénéfices seront reversés à la recherche contre le cancer. Le titre de la chanson ne ment pas : Fred Rister a vraiment besoin d’un miracle.
La musique, sa force
Depuis l’âge de 24 ans, il souffre d’une succession de cancers du côlon, du rein, de la glande surrénale, de l’humérus et du foie. Aujourd’hui, il en est à son neuvième... « J’aurais déjà dû mourir il y a trois ans », souffle celui qui a choisi, en pleine conscience, d’arrêter la chimiothérapie. « C’était horrible. Les effets secondaires se multipliaient. Vertiges, nausées, migraines, trous noirs, pertes d’équilibre, sautes d’humeur... Je me soignais tout en détruisant mon corps et indirectement, la vie de ma femme et de ma fille. J’ai donc pris le parti d’arrêter le traitement ». Au printemps 2017, le professeur de l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif l’a pourtant prévenu. Sans chimio, il ne lui reste qu’un ou deux ans à vivre. « C'’est le prix à payer. Je vis une course contre la montre », confie le sursistaire, étonnamment serein, étonnamment digne. Presque philosophe... Fred Rister n’est pas du genre à se plaindre. Il en a vu d’autres. C’est un battant. Un survivant, même.
Et ni la fatigue, ni la maladie, ni la peur de disparaître ne semblent pouvoir altérer ses traits d’éternel jeune homme aux cheveux d’or.
Parallèlement à la sortie d’I Want A Miracle, il publie Faire danser les gens : une autobiographie romancée et très romanesque qui met en lumière son parcours hors normes. « Je suis de Malo-les-Bains, près de Dunkerque [...] C’est un pays de terres humides sous le ciel étale et blanc. Là-bas plus qu’ailleurs, le monde semble fait pour ne pas y croire », écrit ce « fils d’ouvrier tranquille » nourri aux 45 tours des Beatles , Petula Clarke ou Dalida. Aujourd’hui encore, il se souvient de « l’odeur de bakélite chaude qu’exhalait l’électrophone familial » et de sa première émotion musicale. C’était un soir d’été. Il avait 7 ans. « Je mangeais une glace sur le front de mer et soudain, un juke-box a passé A Whiter Shade of Pale, de Procol Harum. Ça m’a ému aux larmes. » Comme une révélation. Dès lors, certains matins, il se fait porter pâle pour écouter en cachette des radios pirates. Un nouveau déclic se produit en 1977 lorsque l’adolescent découvre, médusé, l’art du disc-jockey au Stardust, une célèbre discothèque de La Panne, en Belgique. Fred Rister a trouvé sa voie : faire danser les gens au son du disco, de la house et de la techno.
La rencontre
Le bac en poche, il se lancera dans la coiffure. Sur un coup de tête. « Un jour, je me faisais couper les cheveux dans un salon et je me suis senti au chaud. La musique était bonne, ça sentait bon, les filles étaient belles... » En 1981, l’apprenti coiffeur profite de la naissance des radios libres pour animer une émission musicale sur Corsaire, à Dunkerque. Le week-end venu, il écume les platines des clubs de la région. De fil en aiguille, ses talents radiophoniques vont le mener à Paris, sur l’antenne de Maxximum, puis de NRJ. En 1991, Fred Rister n’a plus qu’à produire son premier titre, sous le nom d’Abyale. Sa rencontre avec David Guetta aura lieu quinze ans plus tard. Le DJ français cherche alors un auteur sur l’album Pop Life. « J’étais très flatté, mais j’ai décliné car je produisais le disque de mon épouse Anaklein, se souvient Fred Rister. Ils m’ont finalement rappelé pour One Love et la carrière de David s’est envolée à l’international. » La clé de leur réussite tient, selon lui, « à un profond respect mutuel et une passion commune pour la soul, la funk, le disco, la house et la techno ». Si David Guetta a changé sa vie, la musique l’a bel etbien sauvé. Lui, l’enfant invincible de Malo-les-Bains, qui s’est toujours rêvéen dieu du dancefloor.
Éléonore Colin
Publié le 02 mai 2018